26 Sep L’écriture, cette inconnue
Artsy Shark / Art X Terra
Non, l’art ne se vend pas tout seul. Il faut en vanter les mérites, et de la bonne façon.
« Je laisse mes œuvres parler d’elles-mêmes », disent trop souvent les artistes. C’est ce que déplore la directrice éditoriale du Fonds Clark Hulings pour les arts visuels, Sofia Perez.
Dans un blogue pour le magazine ArtsyShark, la journaliste de formation explique que l’écriture est trop souvent prise de haut par les artistes. Que ce soit pour présenter ses œuvres au public, pour déposer une demande de financement, voire rédiger des fiches pour une exposition, la rédaction est essentielle pour les artistes.
Voici trois pièges à éviter :
L’information inutile
« Quand vous écrivez à propos de votre travail, tenez-vous en à votre travail », énonce Sofia Perez. Ce qui semble être une évidence n’est pourtant pas toujours appliqué.
Expliquer que vous aimez peindre depuis la plus tendre enfance n’apporte rien à personne. Décrire les paysages bucoliques où vous avez grandi en guise d’introduction pour votre travail de portraitiste non plus.
« Ça ne veut pas dire que les détails personnels soient toujours hors sujet », poursuit Sofia Perez.
Elle donne l’exemple d’une boursière du Fonds Clark Hulings dont l’exposition explore l’architecture cachée des immeubles comme métaphore des liens invisibles qui unissent les communautés.
Dans son matériel de presse, l’artiste relate que son père et son oncle, tuyauteurs, rapportaient souvent à la maison des croquis illustrant l’architecture de bâtiments industriels. Les coulisses d’un bâtiment, l’artiste Dannielle Tegeder s’y connaît donc, et c’était le sujet de son exposition Infrastructures, au Musée des arts du New Jersey.
C’est là l’exemple d’une expérience personnelle pertinente à la démarche artistique, car elle donne un visage humain à une démarche dans laquelle le public peut se reconnaître.
Des descriptions trop vagues
Le but de décrire votre démarche est d’informer les lecteurs et de les intéresser à votre œuvre, pas de les ennuyer avec des commentaires convenus comme l’importance de l’art dans le monde moderne. Vous voulez inciter les gens à poser un geste : acheter une de vos œuvres, venir à votre exposition, ou vous accorder du financement.
Personne n’a jamais été motivé à agir en lisant que la nature est une source d’inspiration. Spécialiste du mécénat des arts, Sofia Perez suggère ainsi de s’inspirer des organisations qui racontent des histoires inspirantes pour illustrer le travail qu’elles font.
La banque alimentaire locale peut bien expliquer en détail comment un enfant bien nourri réussira mieux à l’école », poursuit Sofia Perez, « mais elle risque de récolter davantage de dons en racontant l’histoire de la petite Jane Smith, 7 ans, qui peinait à réussir à l’école parce à cause de son ventre vide, jusqu’au jour ou sa mère a découvert les services de la banque alimentaire ».
La prose ampoulée
Ernest Hemingway l’a dit, « la prose, c’est de l’architecture, pas de la décoration intérieure ». Qu’on aime ou pas l’écriture épurée de Hemingway, il avait raison.
« Mon œuvre s’inscrit dans un espace où les éclats de notre existence convergent, tissant les fragments tortueux de nos luttes humaines en une toile de couleurs et de lumières », ça ne nous apprend rien sur l’oeuvre et ne veut absolument rien dire, dit en substance Sofia Perez.
C’est tout à fait correct d’exprimer des idées complexes, ou chargées d’émotions, mais ce n’est pas une excuse pour écrire de façon incompréhensible.
Elle suggère plutôt d’écrire « mes peintures décrivent ces moments cruciaux de la vie quotidienne où l’on est poussés à bout, tout en restant dignes dans l’épreuve ».
Tous ces exemples se résument ainsi : pour être efficace, l’écriture doit être claire, concise, et raconter une histoire.
« Si vous respectez cette règle, vos mots auront de l’impact. »
Jean-François Parent, collaborateur sur le blog Art X Terra
Jean-François Parent a été journaliste à Finance et Investissement 2006 à 2013.Géographe de formation, il s’est d’abord intéressé au développement régional avant de passer au journalisme. Il débute comme journaliste généraliste chez Canoë, où il occupe le poste de chef des nouvelles; il devient ensuite journaliste indépendant et signe des reportages dans La Presse et Le Droit, dans les magazines L’actualité et Reader’s Digest, et à la radio de Radio-Canada.
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